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2 juillet 2016 6 02 /07 /juillet /2016 13:22

Poèmes du VOILIER PENCHANT.

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Une seule vie

.

En guise de commencement évoquons une planche

une planche de sapin mince du genre qui sert

mettons à découper les tables d’harmonie des guitares

Ensuite le hasard nous offre avec sa spontanéité habituelle

le plumage vieux-rose d’une tourterelle

du genre qu’on apprivoisait parfois au temps jadis

et dont le souvenir nous revient comme un remords

.

Un peu rêche un peu rugueux le clair toucher du bois fibreux

On croirait qu’il veut que notre paume n’oublie pas

que c’est parmi les pentes et les roches qu’il a pris racines

à l’étage au-dessous de celui qu’habitent les marmottes

qui sifflent avec vigueur l’intrus en route vers les sommets

Si doux si lisse et tendre et tiède en revanche le plumage

de l’oiseau surtout caressé à l’endroit du jabot

.

Voici que la tête et le bec se relèvent avec confiance

et les yeux se ferment un instant pour mieux éprouver

ou peut-être savourer le glissement délicat de notre index

Tout le corps semble s’apaiser malgré son petit coeur

qui vibre à cent à l’heure si vite si vite – minuscule moteur

d’une vie frénétique dont nous partageons avec tous les vivants

le même ancêtre enfoui sous les millions d’années.

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Argyronef

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Cette nef d’argent qu’un souffle pousse

sur un océan de lumière, je la connais,

c’est la parole ! À l’aube quand s’ouvrent

à la croisée les premières rougeurs, elle

suscite son espace et navigue sans bruit,

rose nue sous l’oeil tremblant de la bougie …

.

Quelques astres complaisants l’orientent

en s’attardant parmi les reliques obstinées

de la nuit, jusqu’à ce qu’un disque de feu

éblouisse la plaine et pose sur les moindres

aspérités ses précieuses touches de silence.

Ainsi le pelage des eaux se hérisse d’éclairs.

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Ainsi les mots s’articulent-ils en ailes puis

s’envolent libres, immaculés, illimités…

Le seigle devient règle, manque d’air, s’essore

aigle, avec en planant la tâche de sigler l’azur

du monogramme de l’infini ! Raison pourquoi

mon poème est soumis à l’absurdité du monde.

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Le fantôme de Lélian sur la plage du Solenzara

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L’expérience du chien :

ton ombre te suit partout regard

triste et cosmos fidèle

Tous y pensent la même chose

.

Tu scrutes les hauteurs où rien n’est encore

écrit : rien n’a taché la froideur blanche

pas même la chute de l’étoile

qui te guidait depuis si longtemps

.

Les cendres de tes passions

de tes espoirs dépourvus de bon-sens

sont fumée que le vent de mer

dissipe alors que depuis son balcon

.

l’inaccessible beauté te fait un pied de nez !

.

Déchéance

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Au fond de toi

la chanson recule

pleine d’effroi

et de ridicule !

.

Tout ce passé

dans ton être en ruine,

coeur harassé,

son venin te mine.

.

Tu ne sais plus

tourner un poème

pour le salut

de ce que tu aimes !

.

Et tu attends

en vain que revienne

l’heureux printemps

de ta Muse ancienne.

.

Devinette

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Certains êtres partout existent

comme stèles dont la présence interroge

De ceux-là, j’en ai connu bon nombre

En revanche d’autres plus rares n’existent pas

.

Leur silhouette ne fait pas d’ombre

Leurs traits sont flous, faits de nuages

aux révolutions d’or transparent

Et nul n’est intrigué de leur absence

.

Il ne s’intéressent qu’à l’inapparent

que l’invisible a ménagé dans le visible

afin que les mots et la musique nous révèlent

ce que nous sommes et ce que nous sentons

.

avant que tombe la Nuit sans étoiles.

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Après-midi au Châtelard

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Au-dessus de nos frissons les airs de mer

Ne nous cachons pas derrière les écumes

que nos reflets nageant entre l’illusion

salée et nous engendrent à chaque brasse

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Un peu de réalité même torse comme

un vieux débris de tronc flotté nous suffirait

L’intense sentiment de vivre que trahit

le frissement des épis quand on traverse l’or

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Moisson merveilleuse au flanc des montagnes

dont les corbeaux de la lumière en voletant

comptent les grains parmi l’ondoiement

Au clocher sonne la troisième heure après midi

.

Rendez-vous sous le tilleul près du rosier sauvage

L’ombre entière a trouvé refuge dans tes yeux

Ton sourire a choisi les lèvres du mystère

pour que nous nous aimions d’un même corps radieux.

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Évidences douces

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Les enfants, seuls, en continu perçoivent l’Apparition.

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Comment déconnaître ce qu’incessament l’on reconnaît d’instinct ?

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La joie simple des esseulés au bistrot le dimanche, voilà le départ.

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Une étincelle en montant grandit lentement, s’épanouit. Des fumées laiteuses. Puis le noir.

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À travers les prunelles candides et rouées de la vie commençante, se dénoue insensiblement l’embrouillamini des liens.

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Les fleuves sont dangereux. Préfère-leur les rus et les torrents.

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Sous l’ombrage troué de soleil, le réservoir pierreux où s’attarde le reflet du ciel. Les oiseaux s’y baignent.

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Amandes assoupies constellez l’arbre de l’éveil, pour le bonheur de l’écureuil.

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Le mystère est sans secret. Qui s’en souvient ?

.

29 juin 2016 – 18 h.

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Nous sommes restés tranquilles

nous n’avons pas prononcé un mot

Dehors en cette fin juin pour une fois

ensoleillée claquaient des portières

.

Les Anglais quittent l’Europe Bye Bye

L’oeil du président socialiste brille

Attentat quarante morts à l’aéroport

d’Istambul qui fut Konstantinopolis

.

Au-delà ce sont les peuple déchirés

l’horreur du massacre au nom de dieu

les religieux qui se font la guerre entre eux

où furent Palmyre et les Jardins de Babylone

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L’inexplicable du coeur

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Ce que tu ne connaissais pas, aimer

au long des années te l’a fait connaître

en une sorte d’insomnie qui mêle joie et peine

et te tient constamment aux aguets

.

Tu ne t’habitues pas à la versatilité des jours

et des hormones Tu vis comme un Jivaro

sarbacane au côté dans la forêt vierge

Tu veilles à marcher sans faire craquer

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le tapis des feuilles mortes sous tes pieds nus

La musique des oiseaux jacasseurs t’environne

La canopée tiède couve les pleurs d’une ombre

infinie ainsi que sous terre les racines d’un feu

.

Tu as dû apprendre a parler un idiome inconnu

qui pèse sur tes pensées et les détourne parfois

comme un courant inattendu détourne une pirogue

vers la rive fourrée que lèchent les longs reflets

.

Là-bas l’éternité, jeune femme aux cheveux bleus

réelle ou rêvée au bord des eaux lave un enfant

qui rit en éclaboussant les fleurs et le sol brun

avec des milliers de soleils minuscules...

.

Dos à dos

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Appuyé contre une colonne

le cou voûté par les années

il médite sur sa vie passée

y recherche un brin de sens

.

Ici les enfants sont en vacances

plage ballon châteaux de sable

Là-bas les enfants sont en guerre

AK47 MicroUzi Kalachnikov

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Ici l’ambiance est au patronage

aux grèves pour se sentir vivre

Là-bas est voté le droit de tuer

les femmes par une mort atroce

.

Les gens sont gras et font régime

ici avec manger bio pour seul souci

Le peuple a les joues creuses le teint

hâve et l’on connaît la faim là-bas

.

Et cependant ici comme là-bas

le climat se réchauffe La terre

se venge - affrontée à la Nature

pour l’Humanité la fin se profile.

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Clin d’éternité

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Dentelle d’un savonnier sombre sur le ciel du soir...

À droite les deux flèches roses du château pointent

les trajets blancs des avions dans le crépuscule

En bas le vieux village aux masures acagnardées

.

L’heure dorée s’étire à la surface lisse de l’estuaire

Une brume de conte de fée à peine laisse deviner

la rive en face où l’ombre doit envahir d’autres

venelles parcourues d’autres passants nonchalants

.

Le temps semble s’être si bien arrêté qu’un instant

je ne sens plus battre mon coeur et la croix noire

d’un dernier martinet reste en suspens dans l’air

indigo - jusqu’à se changer brusquement en étoile

.

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Poésienne

.

Le soir chaque cri d’hirondelle vire à l’étoile !

.

Il pleut au port

.

Du soleil traverse la pluie

Sous chaque vague qui revient de loin

brille un fusil

La passante que tu croises sur le quai

a du gris dans ses yeux pervenche

.

Elle ne veut pas qu’on la regarde

serre sa veste sur ses seins

L’air a fraîchi Les voiliers qui tournaient

au large comme des jouets

sont rentrés s’aligner côte à côte

.

Forêt de mâts enchevêtrés aux fils pareils

à un concile de toiles d’araignées

Malgré l’averse un oiseau chante

au plus touffu du micocoulier

qui veille sur la place désertée

.

Un avant-toit m’abrite En patientant

je songe que je ne suis pas solitaire

par goût mais par nature :

crabe lunaire à la pince disproportionnée

qui la nuit écris sur du sable

et le jour cherches Aïlenn sous la pluie !

(Garavan – avril 2002)
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